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Ma vie romanesque

mercredi 15 mai 2013

Mise en bouche

Les Assiégés du Mont Anis sort demain. Je vous en avais déjà mis un extrait (ici), en voici un second, juste pour le plaisir...

"Les outils rangés, Barthélémy resta seul, la tête fatiguée, les muscles douloureux. Ses pas prirent la direction du quartier des peaussiers, bien qu'il eut préféré trouver un banc et un pichet profond. Boire et oublier. Laisser les menaces se dissoudre dans les vapeurs de la fatigue et du vin.
Il passa la main sous son chaperon, donnant un peu d'air à ses cheveux trempés de sueur, rattacha sa ceinture et secoua la poussière de sa cotte. Il ne devait pas abandonner. Le lendemain serait un dimanche. Il profiterait du jour chômé pour en apprendre un peu plus. Et chasser ce sentiment déplaisant d'être un gibier attendant le chasseur en tremblant.
Le gantier travaillait devant son ouvroir, auprès d'un petit feu qui l'éclairait en cette fin de journée. De la rue, n'importe qui pouvait se faire une idée de sa dextérité avant de lui confier un travail. Et pour cette raison, il n'en manquait pas. C'était un petit homme d’une cinquantaine d’années, un petit nez fin et des oreilles bourgeonnantes dépassant de son bonnet. Des années à rester penché sur l'ouvrage l’avaient rendu un peu voûté, et il ne se relevait jamais sans un gémissement et une grimace.
A l’arrivée de Barthélémy, il gémit et grimaça donc, puis lui sourit, et l’accueillit de paroles aimables :
- Salut, maçon. Prends un tabouret, je termine ça et je suis à toi.
Barthélémy n’était pas pressé. Cela sentait bon dans le petit ouvroir passablement encombré. De belles peaux tannées de chevreau attendaient les doigts délicats qui les porteraient, des peaux de vieille vache, un peu trouées, étaient destinées aux gants de travail. Plusieurs aiguilles et alênes étaient disposées sur une table, à portée de main, et sous la table, une caisse renfermait tous les petits bouts qu’il ne jetait pas. Les soirs de patience, il découpait des losanges de différentes couleurs et de même épaisseur, et les assemblait pour confectionner des aumônières, des sacoches, des ceintures et autres babioles.
Barthélémy le regarda, fasciné. Sa main allait et venait avec une rapidité extraordinaire, maniant l’alêne aiguë avec précision.
- Tu ne te piques jamais ? finit-il par dire. L’autre rit, et montra son pouce gauche : d’innombrables cicatrices s’y voyaient, coups malheureux, qui avaient traversé la peau durcie.
- Je ne dis pas que ça m’amuse, mais ce sont les risques du métier. Et par les temps qui courent, ça paraît dérisoire.
Barthélémy saisit l'invite :
- Le Ciel nous préserve de pire que quelques coups d’épingle dans le doigt ! 
- Ils ne s’en prendront pas au Puy. La ville est puissante.
- Je l’espère. Y a-t-il des nouvelles ?"

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