L'année s'achève et, sauf erreur de ma part, toujours possible, nous avons survécu à la fin du monde.
Il est une coutume, dans ce monde encore plus ou moins debout, que j'aime bien : se souhaiter une excellente année.
C'est un peu comme les cahiers tout neufs des écoliers, promesses de caractères harmonieusement dessinés et de commentaires élogieux. Le petit qui rentre en CE2 ou en 5ème espère conserver au fond de son cartable cette odeur de cahier neuf, le plaisir de faire glisser sa bille sur la douceur de la page au grain fin, le bonheur de s'appliquer, de former ses lettres, quand bien même cela n'aide en rien à retenir la leçon.
Le petit qui rentre en septembre ne s'attend pas à cette bousculade, dans la cour, qui aura cassé sa règle en deux, il ne sait pas qu'un jour, il oubliera une pomme au fond de son sac et que tout le reste de l'année, ses affaires traîneront une odeur de fruit moisi qui l'écoeurera un peu. Il s'attend à des difficultés. A des évaluations moins bonnes, à des copains qui ne le sont plus. Pas à l'infinie variété des petits bonheurs et petits malheurs de l'existence de l'écolier. Sans quoi, sans doute, n'oserait-il pas franchir le seuil de cette école, faire connaissance avec la maîtresse ou le maître, les nouveaux copains qui ont l'air, eux, tellement confiants !
Or, il y aura aussi le copain qui partage son goûter le jour où l'enfant l'a oublié, le jour où les musiciens viennent à l'école, et laissent souffler dans la flûte ou le trombone. Le fou-rire partagé par toute la classe, et dont personne ne se souvient vraiment comment il a commencé.
Je vous souhaite une année avec plus de musiciens que de pommes moisies, avec assez de colle pour réparer votre règle, et quand même assez de gaîeté pour lancer le fou-rire. Et, toujours, quelqu'un avec qui partager votre goûter.
Meilleurs voeux !
Bienvenue !
Ma vie romanesque
dimanche 30 décembre 2012
samedi 15 décembre 2012
Extrait
Elle
s'agenouilla au milieu des cailloux, cueillit quelques autres
feuilles de plantain. Elle descendit les marches menant au bassin,
but un peu d'eau dans le creux de sa main et se sentit mieux. Elle
marcha vers l'aval, sans but particulier autre que de s'éloigner
encore un peu de l'auberge où une mourante attendait des remèdes
qui ne feraient aucune différence. Le bruit de ciseaux taillant la
pierre devenait de plus en plus fort : de l'autre côté du
ruisseau, le chantier poursuivait son lent travail de construction.
L'église qu'ils bâtissaient, en tuf de couleur rouille, serait sans
aucun doute très belle. Fallait-il que ces moines soi-disant
mendiants soient riches pour édifier de si beaux sanctuaires. Elle
se retourna et poursuivit la descente du ruisseau. A petite distance,
des cuves de douelle plus hautes qu'elle lui barraient le passage. A
gauche, les tanneurs, à droite les teinturiers, et le ruisseau,
trouble à cet endroit, pour tous. Des femmes et des enfants
travaillaient là, dans une puanteur indescriptible. Ysabellis
contourna les cuves. Une femme, les bras tâchés de couleurs, puisa
de l'eau, la regardant sans la voir. Au-delà, tout l'espace entre le
rempart et l'eau était occupé par de grands étendages de draps et
d'écheveaux. Tous colorés de vif, bleus profonds ou tirant sur le
vert, rouges, orangés. Des teintures lumineuses qui, après quatre
ou cinq lavages, auraient malheureusement l'aspect fané de ses
propres vêtements, bleu pâle, brun, vieux rose. L'odeur des
teintures était douceâtre, un peu fétide, un peu sucrée,
rivalisant d'acidité avec celle des solvants des tanneurs d'à côté.
La boue, à ses pieds, était rouge.
Elle
franchit le petit pont de planches un peu branlant qui conduisait au
chantier de l'église, et dépassa un Carme en bure et sandales qui,
immobile, observait les tailleurs de pierre. Le maître d'oeuvre,
virga en main, orchestrait les mouvements des ouvriers. Du Doleson au
chantier, la terre était boueuse, défoncée, emplie de mares et et
cailloux, de traîtres tessons prêts à se planter dans les pieds
nus. Des hommes s'invectivaient. Que voyait le moine dans ce chaos
primitif ? Sa tonsure, bien rasée, luisait au soleil. Soudain, il se
retourna, et Ysabellis fut en alerte.
... à suivre.
mardi 4 décembre 2012
Livres
Au Moyen âge, le livre est un objet précieux, rare et cher. Cela, je pense que tout le monde le sait. Mais je ne suis pas sûre que tout le monde en ait tiré les conséquences. Moi la première, d'ailleurs. Le livre, au Moyen âge, et de ce fait, n'est pas un objet de transmission du savoir. Il est un objet de conservation. L'enseignement se fait par la parole, l'apprentissage est fait de textes récités par coeur et dits par un maître. Imaginez vous les universités, sans aucun livre ou presque ? les étudiants se rendant aux cours sans prendre de notes ? Discutant ensuite du cours pour mieux le mémoriser ? Bien sûr, il est des moyens, comme les tablettes de bois creusé que l'on recouvre de cire, mais on ne transporte pas une tablette dans sa poche comme aujourd'hui un carnet ou un ipad. Même les brouillons de papier, que l'on utilise à partir du milieu du XIVe siècle, ne sont pas des brouillons au sens où on l'entend. Les notaires les utilisent pour croquer sur le vif un procès ou un testament avant d'en faire une "vraie" version, à la maison, sur un parchemin.
Même sachant cela, il est difficile d'imaginer une société sans livres. Surtout pour moi, écrivain (et lectrice, forcément), m'adressant à vous, lecteurs. Nous tous, baignés de livres, de carnets, de post-it et, plus récemment, ayant pris (là, je parle pour moi) la fatale habitude de ne pas retenir tout ce qui me serait nécessaire. Pourquoi faire, je peux le retrouver en un clin d'oeil avec Google ?
On m'a parfois demandé si j'étudiais les temps anciens parce que je ne me sentais pas à ma place à notre époque. Je ne crois pas. Non que la société actuelle me plaise toujours, mais, au moins, plus d'un enfant sur deux parvient à l'âge adulte. Mais étudier les temps anciens ou se plonger dans des romans historiques, c'est adopter une position d'observateur de la société humaine, avec ce léger décalage qui permet de questionner ce qui paraissait évident. Et de s'interroger sur ses propres pratiques.
Et vous, lecteurs de romans historiques, partagez-vous ce point de vue ?
Même sachant cela, il est difficile d'imaginer une société sans livres. Surtout pour moi, écrivain (et lectrice, forcément), m'adressant à vous, lecteurs. Nous tous, baignés de livres, de carnets, de post-it et, plus récemment, ayant pris (là, je parle pour moi) la fatale habitude de ne pas retenir tout ce qui me serait nécessaire. Pourquoi faire, je peux le retrouver en un clin d'oeil avec Google ?
On m'a parfois demandé si j'étudiais les temps anciens parce que je ne me sentais pas à ma place à notre époque. Je ne crois pas. Non que la société actuelle me plaise toujours, mais, au moins, plus d'un enfant sur deux parvient à l'âge adulte. Mais étudier les temps anciens ou se plonger dans des romans historiques, c'est adopter une position d'observateur de la société humaine, avec ce léger décalage qui permet de questionner ce qui paraissait évident. Et de s'interroger sur ses propres pratiques.
Et vous, lecteurs de romans historiques, partagez-vous ce point de vue ?
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