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Ma vie romanesque

vendredi 28 septembre 2012

Dédicace particulière

C'était la première fois de ma vie que j'expérimentais le déplacement en chaise roulante. Je n'étais pas handicapée, non, j'avais juste les jambes flageolantes, sans doute un peu d'hypoglycémie et une tension faible après une douzaine d'heures d'efforts constants.
On m'avait ou plutôt, on nous avait enveloppées d'un de ces grands draps jaunes brodés "CH LE PUY EN VELAY" pour nous tenir chaud. J'avais accroché sur mon visage le sourire le plus béat, le plus stupidement heureux que l'on puisse imaginer, et je regrettais que l'on ne croise pas plus de monde, dans les couloirs de cette maternité à l'heure du déjeuner. J'aurais voulu présenter cette petite chose, cette merveilleuse petite chose, dont on ne voyait probablement qu'une touffe de cheveux noirs, au monde entier. Je ressentais une extraordinaire plénitude, une immense curiosité, beaucoup d'excitation face à cette toute petite fille aux yeux déjà si avides d'explorer. J'aurais voulu convoquer des fées, des sorcières aussi, quelques magiciens à son chevet pour la combler de bienfaits. Mais dans ce monde imparfait, ces gens-là sont difficiles à trouver. Et, d'ailleurs, plus que d'une marraine de contes de fées qui aurait transformé ses haillons en robe de princesse, cette enfant-là avait besoin d'un professeur Nimbus lui expliquant les mystères du macrocosme et du microcosme.
Je ne suis ni fée, ni professeur Nimbus mais quand je repense à ce moment, quand nous sommes sorties de la salle d'accouchement, si j'avais su tout ce qui se passerait ensuite, je crois que mon sourire se serait étiré encore plus, au risque de me causer des dommages irréversibles à la mâchoire.
C'était le 28 septembre 1994, il y a 18 ans.
Bon anniversaire, Armel.

lundi 10 septembre 2012

Une "sorcière" médiévale

Voici une image, tirée d'un manuscrit de Boccace, représentant Mantô :


Mantô est la fille du devin Tirésias, devineresse elle-même. Son histoire, vue par Boccace dans son "livre des femmes nobles et renommées" (de claribus mulieris), reprend les événements rocambolesques de la légende, son enlèvement, son apprentissage de Sybille, sa liaison avec Apollon. On aimait bien les histoires Antiques, au Moyen âge. 
Cette image est donc la représentation que se faisait un illustrateur du tout début du XVe siècle, d'une devineresse des temps anciens. Il l'habille classiquement d'une tenue purement médiévale : une grande robe bleue et un chaperon. C'est une belle femme, selon les canons médiévaux : la taille fine, le teint clair, les seins hauts, le ventre bombé. Elle est assise dans la campagne sauvage (pas de trace de champs ou d'organisation humaine de l'espace), auprès d'un feu ouvert, encerclée d'eau courante, touillant à l'aide d'un bâton une mystérieuse mixture.   
Eau, feu, terre, air, et une femme, tranquille, au milieu : c'est aussi la représentation qu'un illustrateur se fait d'une sorcière ou d'une chamane de son temps, à cette époque charnière où la suspicion se resserrait envers les pratiques populaires de la médecine et de la religion, à cette époque aussi où Jan Hus prêchait, préfigurant les grands bouleversements religieux qui allaient suivre.
C'est peut-être ce contexte, ou ses influences mélangées, ou le seul génie du peintre, mais je trouve cette image puissamment évocatrice. Pas vous ?